Jasmyn
Quand on observe le dessin de notre vie, que voit-on ? Une ligne continue ou des formes disparates ? Changent-elles de couleur ? De taille ? De contours ? Et est-ce que le dessin change totalement quand on entre dans une nouvelle phase ? Ce sont les questions que Jasmyn pose sur son premier album solo, In The Wild, où le remodelage, le décentrement et l’enracinement sont encouragés avec vigueur et sincérité. En plongeant au plus profond de notre être et en interrogeant notre reflet dans le miroir, il est possible de déceler un nouveau genre de clarté, où l’équilibre recherché commence lentement à se révéler.
En tant que leader de Weaves, Jasmyn a été en tournée pendant presque dix ans. Au cours de sa carrière, le groupe a été nominé deux fois au prix Polaris, deux fois au prix JUNO de l’album alternatif de l’année et deux fois au prix SOCAN du songwriting. Le quatuor s’est produit dans le monde entier, notamment au festival de Glastonbury, et son travail a été salué par la presse, notamment par Pitchfork, NPR, The Guardian et le Elton John’s Rocket Hour.
Lorsque Jasmyn quitte le groupe en 2020, c’est l’occasion pour elle de ralentir le rythme et de bâtir son propre espace, loin de l’agitation des tournées et du fracas de la grande ville. Quittant Toronto, elle emménage à Hamilton, où le calme qui émane du lac Ontario ainsi qu’un mode de vie sensible et réfléchi l’incitent à souffler et à s’immerger dans les grands espaces. A l’écoute de ses sensations, pieds nus dans l’herbe, portée par le sentiment de liberté offert par la nature, Jasmyn conçoit alors un portail pour de nouvelles énergies et de nouveaux possibles.
Cette transition se perçoit dès le lumineux et percutant morceau d’ouverture, « Green Nature », sur ces mots de l’artiste : « Démarre un nouveau chapitre de ta vie / Comme si c’était la seule manière juste. » (“Start a new chapter in your life // Like it’s the only right way.”) Batterie puissante en écho et clavecin bondissant ondulent aux côtés du chant assuré et englobant de Jasmyn. C’est une majestueuse ouverture, un rideau qui se lève, un souffle dans le chaos des métamorphoses. « C’est le commencement d’un nouveau moi, explique-t-elle. Dès que j’ai commencé à bouger, il y a eu du nouveau dans ma vie, je me suis sentie libre. » Elle se penche davantage sur la nature cyclique de nos différents moi à travers le kaléidoscopique « Edge of Time », où les pulsations électro accompagnent une rêverie sur le regret et la persévérance. « J’ai l’impression qu’on est tous dans ce schéma tout blanc ou tout noir concernant les décisions qu’on a prises et la façon dont ces décisions ont touché les gens, confie-t-elle. Comment peut-on avancer dans sa vie tout en faisant avec les changements qui se sont produits ? »
Le morceau « Cruel Moon », électrique et imprévisible, agit comme une invitation à franchir une nouvelle porte, où les mouchetures lumineuses et répétitives d’une boule à facettes répandent la joie qu’il y a dans le simple fait de bouger, et de se libérer de toute contrainte personnelle. Cette sensation qu’on a quand on ferme les yeux et qu’on se laisse guider par la mélodie, sans avoir peur de ce que les autres peuvent penser ou dire. « Je peux être autre chose. Je peux aller vers quelque chose de nouveau, dit-elle. C’est de laisser aller qu’il est question. Vivez votre vie… On ne sait jamais pour combien de temps on est là. »
Cette interrogation sur le soi s’épanouit sur la chanson titre de l’album, bâtie autour de la guitare, où Jasmyn rend hommage aux solitaires de ce monde. Pour elle qui s’est souvent sentie isolée à certains moments de sa vie, « In the Wild » pose la question de ce qui se passe lorsque deux outsiders se rencontrent. « Je voulais me rapprocher de ces gens qui ont peut-être l’impression qu’ils sont en marge ou qu’ils n’entrent pas dans le moule de ce monde », explique-t-elle. En un patchwork de notes de piano et des chœurs éthérés et obsédants, Jasmyn pose la question: « Que fait-on quand on se sent coupé des personnes dont on est censé être le plus proche ? » Déblocage physique pour elle-même et pour son âme, main amie pour toute personne incertaine de la suite de son existence.
Pour mettre en place cette nouvelle étape, Jasmyn a travaillé avec le producteur John Congleton, lauréat d’un Grammy Award, dans son studio de Los Angeles. Pour Jasmyn, il était important que l’univers sonore de l’album reflète les flux et reflux d’un chapitre de transition, où elle pourrait être libre de concevoir ce qui lui semblait juste à ce moment-là. Si la notion d’équilibre se fraie un chemin tout au long de l’album, In The Wild sait accueillir les moments plus calmes et introspectifs, ainsi que les tsunamis cathartiques. « Je voulais créer des chansons qui aident les gens à gagner confiance en eux » dit-elle.
A la fin de l’album, c’est avec « Purple Reflections » que Jasmyn nous quitte sur un tel sentiment de confiance. Au cours du processus d’écriture, elle s’est intéressée aux chakras, et plus particulièrement à la façon dont le chakra violet représente la couronne et nous connecte à une conscience supérieure. Sur des synthés planants, Jasmyn se lamente : « plonger dans tes yeux, c’est comme de la magie » (“staring into your eyes feeling like magic”). Mais ce n’est pas une chanson pour quelqu’un d’autre, c’est une chanson d’amour face au miroir, et c’est à travers de telles manifestations qu’il devient possible d’atteindre notre moi le plus pur. In The Wild est un appel à prendre soin de soi, un appel à la patience, à la joie et à la confiance en ses instincts. Jasmyn a fabriqué un radeau pour ceux d’entre nous qui se sentent déconnectés d’eux-mêmes.