Bibio

BIB10

Sortie le 21 octobre 2022

Warp Records

« J’aime qu’il y ait du contraste entre mes différents albums, confie Stephen Wilkinson, alias Bibio. Quand je termine un album, j’ai très envie de faire quelque chose de différent pour le suivant. »

 

C’est d’autant plus évident avec la sortie de son 10ème album studio. En dix albums, il a surfé avec grâce entre l’électronique, l’ambient, le folk, la pop, l’indie, le funk, la soul… Après Ribbons en 2019, dont le son était, dit-il, « organique et boisé » et « l’atmosphère psych folk », il a décidé très tôt pour BIB10 qu’il voulait utiliser plus de synthés, de boîtes à rythmes et de guitares électriques. « Je voulais que cet album ait un son plus policé et plus fluide, explique-t-il. Mais sans « perfection informatique ». Mes influences pour la production en studio viennent principalement des années 60, 70 et 80, où le métier était très différent. Obtenir un son plus raffiné, sans en retirer l’humanité, a fait partie du processus. »

 

L’album qui en résulte est riche en grooves, qu’il s’agisse de licks de guitare en boucle qui se transforment en tourbillons hypnotiques, de beats funk joyeux, de disco soyeux, d’explorations soul riches en textures ou de ce son unique propre à Bibio. Le son ici est riche, profond, ample, d’une chaleur rayonnante. C’est particulièrement net sur des morceaux comme « S.O.L », qui a permis à Wilkinson d’atteindre un de ses grands objectifs. « J’ai voulu faire ce morceau comme j’imaginais qu’un enregistrement disco aurait été fait dans les années 70, mais avec un matériel plus récent, dit-il. J’ai toujours voulu faire un morceau disco authentique avec de vrais instruments et une vraie batterie, et je suis fier d’y être parvenu avec « S.O.L. ». »

 

« S.O.L. » a un côté contagieux absolument imparable, avec des lignes de basse qui pulsent sans cesse, d’énormes explosions de synthés, un solo de guitare sauvage d’Isaiah Sharkey et un rythme incisif d’une confiance insolente. On y retrouve également la voix douce et si expressive d’Olivier St Louis, que Wilkinson décrit comme « un chanteur né, comme si c’était dans son sang. »

 

Les deux apparitions de St Louis sur l’album ont également façonné les expérimentations personnelles de Wilkinson en matière de chant. « Olivier a eu une grande influence sur moi, raconte-t-il. J’ai essayé des choses nouvelles, jusqu’aux limites de mes capacités vocales. Pour moi chanter n’est pas si simple, mais j’essaie de considérer le chant comme n’importe quel instrument où je peux m’améliorer, et pour cet album j’ai mis les bouchées doubles comme jamais sur le chant. »

 

C’est très net par exemple sur le morceau d’ouverture, « Off Goes the Light », dans lequel la voix marquante de Wilkinson fusionne magnifiquement avec les mélodies de guitare entrelacées et les paysages sonores immersifs au synthé. Mais des morceaux tels que « Potion » le voient s’aventurer encore plus loin sur ce nouveau terrain vocal, avec un clin d’œil à Prince (son deuxième album éponyme aura été une source d’inspiration particulièrement forte sur cet album), non seulement par la voix, mais aussi par l’ambiance générale émanant ici d’un funk électronique futuriste d’une grande densité. St Louis n’est pas le seul musicien à avoir contribué à l’album. Le batteur Ian Hendry est présent sur 4 titres. Il a également fait rencontrer à Wilkinson d’autres musiciens qui, à leur tour, ont proposé de nouveaux sons et de nouvelles voies : Conor Smith à la pedal steel guitar sur « Lost Somewhere », ainsi que Davie Dunsmuir, qui ajoute un lick de guitare sur « Potion ».

 

Même si, en surface, cet album semble parfois un des travaux les plus électroniques de Wilkinson, il prend fermement racine dans la guitare. « Ces dernières années, je suis devenu plus obsédé que jamais par les guitares, en particulier les guitares vintage, explique-t-il. Cet album est une ode à la guitare d’une manière très différente, les guitares étant davantage des briques d’une plus grande structure, et les variations et les différences subtiles de tonalité et de couleur de chaque guitare rendent l’album plus nuancé. Pour moi ce n’est pas un album de guitare en soi, mais j’ai l’impression que la guitare y est la base de tous les morceaux. »

 

A chaque nouvel album de Bibio, un nouveau style ou une nouvelle influence se laissent entrevoir, c’est pareil avec BIB10. Sur « Cinnamon Cinematic », on décèle une touche de bossa et de samba. Ailleurs, on peut entendre les influences de Twin Peaks, The Cure et Steely Dan.

 

Cependant, Wilkinson confie s’être rendu compte à propos des inspirations que celles qui englobent la variété, la surprise, l’imprévisibilité et une approche à multiples facettes sont généralement celles qui sont les plus pertinentes. « J’ai appris à vraiment aimer et respecter la variété des œuvres des frères Cohen, dit-il. J’aime la façon dont ils peuvent couvrir différents genres tout en conservant leur style d’une manière ou d’une autre, c’est quelque chose que j’essaie de faire avec mes albums. Je n’essaie pas d’être dans une case en choisissant un style et en m’y tenant ; cela donnerait l’impression que je retiens quelque chose. Qui peut dire que les premières choses qu’on crée doivent représenter notre chemin ou notre identité ?

 

Cette philosophie sous-jacente n’a jamais été aussi manifeste que sur son dixième album. BIB10 capte l’essence du voyage accompli par Bibio jusqu’à maintenant, avec des caractéristiques sonores et des styles à la fois contemporains et liés au passé, tout en explorant un terrain nouveau et en regardant en direction de l’horizon. C’est un disque festif à bien des égards. « Je pense que cet album marque un tournant, je voulais qu’il soit un album de fête, dit-il. Il a ses moments oniriques et mélancoliques, mais il y a beaucoup de plaisir et d’espièglerie dans cet album. J’espère que les gens se lèveront et danseront sur certaines de ces chansons. »