Thomas Azier
La musique écrite à ce stade de notre réalité post-COVID ne peut pas faire autrement que de porter le poids de ces années de transformation. C’est particulièrement vrai pour la musique pop, du moins pour celle ingénieuse et réfléchie du chanteur-compositeur néerlandais Thomas Azier. Son cinquième album studio, The Inventory of Our Desire, dont la sortie est prévue le 10 février 2023, est une réponse sensible, directe et poignante à la solitude involontaire du début des années 2020. « Me sentir isolé lors de la sortie de mon précédent album Love, Disorderly m’a donné envie d’amis, d’instruments et de collaboration, reconnaît Azier. Je me suis intéressé aux groupes allemands comme Can qui vivaient et enregistraient ensemble. » Ce besoin d’une communauté soudée a donné naissance aux chansons de loin les plus intimes et éclectiques d’Azier. Ecrit pendant le confinement et enregistré lors de sessions en studio non préparées, The Inventory of Our Desire s’enracine en profondeur dans la performance live, l’improvisation et un émerveillement certain pour notre humanité.
Malgré toute la tendresse qui caractérise Inventory, Azier ne perd jamais de vue son amour pour l’expérimentation et la légèreté propres à la musique pop. Le premier single, « Pelechian », confère une dimension ludique à cet album tout en sincérité, et résonne comme une ode aux moments fugaces et en apparence insignifiants de l’existence. Le saxophoniste de jazz Maarten Hogenhuis ponctue ici les rythmes vifs et les accords discrets de mélodies aériennes qui complètent le chant délicat mais dynamique d’Azier. L’association de ces artistes – accompagnés du guitariste Obi Blanche et du batteur de jazz Simon Segers – constitue le cœur battant d’Inventory. Ensemble, ils soulignent subtilement le piano introspectif de « What Does It Mean », tranchent dans la tension discordante de « Skin & Blister », et flottent comme une fumée colorée sur la dramatique combustion à petit feu de « Slow Revolution ». Si l’écriture inventive d’Azier et sa voix singulière définissent cet album, son identité musicale est celle d’un groupe qui joue et expérimente en temps réel.
« Nous, les humains, nous avons besoin de nous comprendre mutuellement. Nous avons besoin de voir comment les autres vivent, comment ils parlent. Mais nous avons tendance à l’oublier dans la vie de tous les jours », explique Azier. Et ces idées brillent de mille feux dans Inventory. Qu’il s’agisse du doux commentaire sur les privilèges dans « Faces » ou de l’amour profond pour l’intangible beauté de la vie dans « Invisible », chaque chanson invite l’auditeur à ouvrir son cœur et son esprit à une attitude empreinte d’une totale gratitude. Avec une palette musicale qui englobe l’électronique, le jazz, le néoclassique, la ballade à la guitare et même une berceuse pour son fils nouveau-né, Azier a créé, en en favorisant l’expression, un monument en l’honneur de notre besoin habituellement inexprimé d’interactions humaines de toutes natures. Inventory nous rappelle les liens sociaux et affectifs que nous prenons quotidiennement pour acquis, en en révélant la splendeur cachée au sein d’une symphonie mêlant prose, spectacle et musique pop.