Pour l’artiste franco-grecque bruxelloise Scarlett O’Hanna, la décennie qui s’est écoulée entre ses deux albums a été nécessaire,  « Il faut parfois du temps pour être vivant » confie t-elle. La chanteuse, multi-instrumentiste, compositrice et productrice Anna Muchin derrière le nom d’artiste, a publié son dernier album Romance Floats en 2014 (Pop-up Records / Moorworks), un opus s’inscrivant dans une mouvance indie folk rock contrastée et dont les morceaux alternent entre envolées électriques et douceur acoustique. Après la sortie du disque, la pression de la crise sociale et économique sur sa famille et son entourage en Grèce l’ont amenée à faire le point sur son art. Une période de deuil qui a aussi marqué le début d’un travail vocal et sonore au delà de la scène musicale: musiques originales de podcasts, pièces de danse et films, pièces sonores, voix off, traduction. « Je voulais m’engager dans d’autres formes d’écriture musicale et de création sonore. Faire partie d’un ensemble plus grand, servir les projets d’autres personnes. Il y a avait un soulagement et un côté ludique que j’avais l’impression d’avoir perdu dans ma propre musique. J’ai beaucoup appris ». Elle trouve aussi refuge dans la radio et les mots d’écrivain·es, chercheur·euses, artistes et scientifiques. « Mais j’ai commencé à vouloir retrouver cet endroit familier qu’étaient pour moi l’écriture de chansons, et ma voix par le chant. Cela m’a ramenée ici ». Scarlett O’Hanna a affiné sa poésie et creusé une nouvelle palette sonore qui renoue avec ses première pratiques musicales, le piano qu’elle débute à 6 ans et la composition de morceaux à 16, pour revenir avec son disque le plus abouti à ce jour.

Sur Precious Nothings, Scarlett O’Hanna se livre dans toute sa splendeur au cours de sept chansons empreintes d’immédiateté où elle déploie la maîtrise versatile de sa voix. Les singles ‘Precious Nothings’, ‘Open Doors’ et ‘Unafraid’ font l’écho de thèmes qui traversent le disque comme la recherche d’un sentiment d’appartenance: ‘City’s changing fast / Baby I feel slow / Hunger and pride monetised /Can’t see the sky it used to hold’ ; les troubles et les réconforts du vivre ensemble, la désillusion: ‘You know how beating hearts open doors / How long can you stay outside one that’s closed’ ; le doute et l’acceptation de soi: ’There’s no lie in the pulse of your skin / It’s been much and not enough / Stand while you stand / Love when you love’. L’atmosphère habitée du single qui a donné son titre au disque, mais aussi celles de titres comme ‘Stick With You’ et ‘Cacti’ reflètent ce renouveau musical : « Quand j’ai écrit ‘Thieves’ et ‘The Jacket’ à l’époque de Romance Floats, j’ai senti que j’avais poussé une porte. Sur Precious Nothings, j’ai voulu l’ouvrir grand » explique-t-elle qui a abordé la création des morceaux directement via une « écriture-production » en composant la plupart des chansons à partir de synthétiseurs et batterie électronique : « J’ai passé beaucoup de temps chez moi à chercher les sons que je voulais entendre. J’écris souvent à partir d’images, d’observation de situations, de sentiments chargés. Je voulais tendre vers une approche plus cinématographique de production ».

Après avoir pré-produit les morceaux, Scarlett O’Hanna est entrée au Robot Studio à Gand où elle a enregistré avec le co-producteur Pieterjan Coppejans qui a mixé le disque, puis a travaillé avec Matt Colton pour le mastering au Metropolis Studio à Londres.

En revenant avec un élan artistique frais à des formes couplet-refrains sans faille destinés à être répétés avec ravissement et à être joués sur scène (à commencer par les Nuits du Botanique le 28.04), Scarlett O’Hanna atteint la grâce d’un classique moderne sur ce nouvel album, rappelant l’extase de l’apogée de la new-wave tout en restant pleinement enracinée dans son présent d’autrice-compositrice-interprète. Precious Nothings reflète son évolution en tant qu’artiste sur plusieurs décennies où elle a été le fer de lance de ses propres albums, une percée à long terme exposée clairement sur le titre ‘Unafraid’ ouvrant l’album: ‘These are unloving times to live but / At the end of fear is a door’.