C Duncan
« J’aime l’idée que quelque chose soit si romantique que ça en fasse presque mal », confie C (pour Chris) Duncan à propos de la musique qu’il adore. Le multi-instrumentiste, chanteur et compositeur de Glasgow, riche de sa formation classique, honore cette idée avec panache et sensibilité sur son cinquième album, It’s Only A Love Song, à paraître chez Bella Union le 24 janvier 2025. Cordes, images enchantées, mélodies classiques et harmonies rêveuses, ce disque au romantisme pop orchestral touche au sublime: il vient du cœur, réchauffé par une douleur profonde et une nostalgie constante.
En 2022, sur Alluvium, Chris Duncan avait fait de ses histoires variées le terreau fertile d’un disque aux sonorités et aux styles multiples. It’s Only A Love Song est plus proche d’une suite de chansons, à la fois immaculées, richement arrangées et ancrées dans des expériences personnelles d’amour (notamment son récent mariage avec son partenaire de longue date) et de perte.
« J’avais envie de faire un disque ouvertement romantique et un peu désuet, explique-t-il. Une bonne partie de mon travail va dans ce sens, mais celui-ci est plus proche des années 70, avec les arrangements de cordes et une certaine chaleur. Avec cet album, j’ai plus pensé au rythme et à la manière dont chaque chanson pouvait s’enchaîner avec la suivante. Il y a plus d’un thème, – c’est un album très romantique, qui traite ensuite de la perte d’amis et de parents ».
Écrites en premier, la chanson-titre – « Une chanson d’amour sur les chansons d’amour », dit-il – et la conclusion ‘Time and Again’, de style Old Hollywood, ont défini les thèmes, les ambiances et les tonalités de l’album. ‘It’s Only a Love Song’ se déploie à partir d’une ouverture au piano avec une grâce moelleuse, avant qu’une mélodie entraînante ne transforme le refrain en un hymne au désir inextinguible. Écrite pour le mari de Chris, ‘Lucky Today’ vient ensuite, avec son style qui vous emporte, ses cordes et ses harmonies encadrant un texte sur le fait de se tenir sur une montagne et d’observer le paradis. « Je voulais l’emmener dans une sorte d’univers à la James Bond, explique-t-il, quelque chose comme ‘We Have All the Time in the World’ de Louis Armstrong. »
Les influences cinématographiques s’étendent au clavecin de ‘Triste Clair de Lune’, qui évoque le cinéma français des années 60 et la pop, tout en déployant des inspirations ouvertement poétiques. « Je lis beaucoup de poésie symboliste française, confie-t-il. C’est vraiment mon truc, le langage et la signification qui est attribuée aux plus petites choses. La chanson parle de la lune perdant une partie d’elle-même qui flotte vers la terre, et de cette magnifique lumière qui est retrouvée par les humains. Et toutes les étoiles au-dessus déplorent la perte de cette lumière ».
Dans cet album où les chansons dialoguent les unes avec les autres, le titre ‘Worry’, feutré et harmonieux, et l’émouvant ‘The Space Between Us’, reflètent ce sentiment de perte. ‘Think about It’ suit dans un élan de bonne humeur, ses paroles incitant à l’optimisme et à la prise de décision lorsqu’on est dans l’incertitude. Vient la mélodieuse chanson intitulée ‘Delirium’, réflexion sur une période de stress énorme, accompagnée d’un arrangement apaisant: « La musique de cette chanson est comme un tonique à la folie que je ressentais – elle se promène tranquillement », dit-il. ’Sadness’ évoque la mort d’un ami au moment où le confinement commençait, et aborde le chagrin qui était difficile à gérer en ces temps tumultueux. L’élan lounge de ‘Surface of a Fantasy’ conduit ensuite l’album vers une apothéose, quand ‘Time and Again’ succombe aux sempiternels désirs du cœur sur un délicieux refrain de piano.
Cet album d’une grande beauté est d’autant plus fort qu’il est le fruit d’une gestation maison. Chris Duncan a écrit et joué lui-même la majeure partie de l’album chez lui dans son studio (il a également réalisé la pochette) à Helensburgh – une expérience en phase avec à son amour du détail et de l’artisanat. « Si je veux passer des heures à travailler sur un tout petit son et ensuite balayer autre chose, ça n’a pas d’importance parce que le temps est le mien. Je ne paie pas de studio, ce qui me convient parfaitement car je passe de périodes de travail intenses à des moments où je mets des heures à améliorer le son d’une caisse claire. Ça me prend des jours, mais c’est super ».
Pendant ce temps, ses parents, tous deux musiciens classiques en retraite, ont apporté leur contribution aux cordes. Chris Duncan a joué la plupart des cordes sur Alluvium, bien qu’il décrive son jeu d’alto comme « assez douteux… bas et lent ». Cette fois, ses ambitions « élevées et planantes » nécessitaient des solutions plus ambitieuses: « Mon père adore jouer du violon, alors je me suis dit que j’allais partager l’interprétation avec des gens qui peuvent faire mieux que moi. »
Cet album, le plus dense de C Duncan, s’impose comme un nouveau pic dans son parcours. Enfant de Glasgow, il a joué dans des groupes scolaires avant d’étudier la composition au Conservatoire royal d’Écosse. En 2015, son envoûtant premier album, Architect, avait été nommé au Mercury Music Prize. Le suivant, The Midnight Sun (2016), inspiré de la série La Quatrième Dimension, avait été sélectionné pour le prix de l’album écossais de l’année. Il a ensuite enregistré Health (2019) après une tournée avec Elbow, un album riche en mélodies, dans le studio d’Elbow à Salford, avec Craig Potter.
Outre les premières parties de Belle & Sebastian et de The Blue Nile, Chris Duncan a rempli des salles pour ses concerts à lui, notamment à l’Union Chapel et à la Scala de Londres. Il a également collaboré avec Simon Raymonde sur la chanson ‘Circle’ pour le projet Lost Horizons.
It’s Only a Love Song est son nouveau grand pas en avant. Outre les Carpenters et Scott Walker, ses influences déclarées vont de Michel Legrand à West Side Story de Bernstein, en passant par les films de Jacques Demy, dont Les Parapluies de Cherbourg s’enorgueillit d’une musique à faire chanter les cœurs. « C’est presque trop romantique, ce que j’adore, explique-t-il : Cette façon de faire de la musique quand on arrive à un point où le cœur n’en peut plus. » Rayonnant et enivrant, It’s Only a Love Song nous emmène à cet endroit