Dana Gavanski
Le bout des doigts de Dana Gavanski a quelque chose de fascinant. Accompagnant chaque note avec grâce, c’est comme s’ils dansaient, tout en aidant leur propriétaire à exprimer les histoires nichées dans ses airs en apesanteur. Des histoires que nous n’aurions peut-être jamais entendues sur When It Comes, son nouvel album, si ce n’était pour soigner ses cordes vocales en apprenant à faire à faire comme ça vient.
« A bien des égards, ce disque ressemble à mon premier, raconte Dana. Quand je pouvais utiliser ma voix, je devais me concentrer, du coup il y a une urgence et une certaine émotion plus grande qu’avant… C’est vraiment lié à la présence vocale, et c’est devenu un questionnement existentiel sur mon lien à la musique. A certains moments, ça ressemblait à une bataille, et je la perdais souvent. »
A mi-chemin entre introversion et extraversion, When It Comes est le disque où Dana se dévoile le plus. Cette artiste canado-serbe, qui n’a pas peur des extrêmes, mêle harmonieusement son amour de la musique des années 50-70 à la mythologie. Mû par l’instinct dans ce qu’il a de plus pur, ce nouveau chapitre est une ode à la voix en tant qu’instrument, – à son pouvoir, à la façon dont la voix peut, par les mots, toucher la corde sensible. « Les mots peuvent être pris au pied de la lettre, mais pour moi, la plupart du temps, ils sont des pivots. Ils pointent dans une direction mais n’y restent pas forcément », dit-elle.
Yesterday Is Gone, le premier album de Dana, puis son EP de reprises, Wind Songs, avaient été salués pour l’intimité qu’ils parvenaient à capter grâce à un talent mélodique inné pour transmettre les états de l’âme. Ces disques ont dessiné une chronologie mêlant l’adolescence de Dana à Vancouver, son déménagement à Montréal, ses visites à sa famille et les conversations avec sa « Baka » (grand-mère) à Belgrade, en Serbie. Son nouvel album a été amorcé à Montréal puis poursuivi à Belgrade et, bien qu’il soit expressif, avec des touches de yéyé, il offre également quelque chose de plus atmosphérique et de plus vaste.
« Yesterday Is Gone était composé de chansons pop simples. Pour ce nouvel album, je suis partie à la recherche de ce qui pouvait m’exciter à nouveau dans l’écriture de chansons, confie Dana. C’est une quête des origines de mon lien à la musique, ce lien ténu mais tenace et fort, – pourquoi je suis attirée et ce que je peux en apprendre. Le titre de l’album est à la fois lourd de sens et léger, tout dépend de l’état d’esprit dans lequel on est. Il est question d’ouverture d’esprit et de laisser venir les choses quelles qu’elles soient, sans jugement. »
Enregistrées à Londres, les premières idées du disque ont été posées sur le Casiotone jouet de Dana. Retrouvant le Total Refreshment Centre (TRC) de Capitol K avec son partenaire James Howard, c’est en duo qu’ils ont produit les chansons, en se sentant comme chez eux. « James a un sens inné de la musique, ensemble nous travaillons de façon si fluide. Le TRC est un endroit spécial, comme un centre culturel, se remémore Dana. C’est un endroit discret mais important pour les personnes qui le fréquentent. C’est un lieu de répétition, un studio d’enregistrement, et il y a plusieurs studios de musique. »
Débutant sur la douceur d’une boîte à musique, la scintillante mélodie au piano de « I Kiss The Night » ouvre la voie à la comptine « Bend & Fall » et à la berceuse mystique « Under The Sky ». Aux côtés de l’humour et de la caricature (« The Reaper »), des amours mythologiques et du spirituel (« Knowing to Trust ») et d’un groove d’arpèges carnavalesques typique (« Indigo Highway »), le staccato grinçant et les subtiles notes jazzy de « The Day Unfolds » ainsi que le la tension relâchée de « Letting Go » éblouissent comme les volutes de brume d’un Nick Drake. L’hymne automnal « Lisa », de son côté, est l’un des premiers morceaux plus narratifs qui ait été écrits pour le disque. La narration épouse le point de vue de la mer, qui observe le protagoniste passer jour après jour, regard métaphorique sur la nature tout autour de nous. « On ne fait pas attention à toute cette beauté qui nous entoure, on s’enferme, on se précipite sur le boulot, on achète des bouquins en ligne, on ne sort même plus. La chanson parle de se recentrer, de faire attention à ce qui se trouve devant nos yeux. »
Dana prépare actuellement sa tournée avec une formation de cinq musiciens et va remonter sur scène pour la première fois depuis sa tournée avec Porridge Radio, Damian Jurado et Chris Cohen. Dana se prépare en exerçant sa voix pour encore plus de précision et en perfectionnant ces gestes subtils de la main qui l’accompagnent. « Je suis tellement inspirée par les performances de David Bowie. J’ai découvert qu’il avait pratiqué le mime avec Lindsay Kemp au début de sa carrière, dit-elle pensive. J’ai suivi quelques cours de mime depuis et c’est devenu un bon entraînement pour aller plus loin dans le lâcher-prise. »