Foxwarren

2

Sortie le 30 mai 2025

ANTI

Personne de Foxwarren n’a jamais conçu un disque comme 2. Ce quintette canadien, bâti sur vingt ans d’amitié, propose une folk chaleureuse aux rythmes galopants, où des voix crépusculaires accompagnent des personnages confrontés à des dilemmes existentiels. Après le succès critique de leur premier album éponyme en 2018, Foxwarren a choisi d’explorer une toute nouvelle approche. Abandonnant la dynamique traditionnelle du groupe en studio, ils ont intégré des échantillonneurs pour remodeler leurs morceaux. Le résultat ? Un album fascinant et singulier, un collage sonore de 37 minutes qui, selon le chanteur Andy Shauf, « sonne mieux lorsqu’il est diffusé par la fenêtre d’une voiture ».

 

Pour comprendre cette évolution, il faut remonter aux origines du groupe. Depuis une dizaine d’années, Andy Shauf s’est imposé comme un conteur unique et un musicien en perpétuelle exploration, chaque album devenant le fruit d’une nouvelle obsession ou d’un concept différent. Ces évolutions se manifestent de The Party (2016) à Norm (2023). Mais avant cette reconnaissance en solo, Shauf était d’abord membre de Foxwarren, aux côtés d’Avery et Darryl Kissick à la section rythmique, et de Dallas Bryson à la guitare.

 

Le premier album de Foxwarren a mis près de dix ans à voir le jour. Publié fin 2018 sur le label ANTI-, il a immédiatement conquis un public fidèle. L’accueil chaleureux de la critique et le succès des tournées ont dissipé l’idée qu’il ne s’agissait que d’un projet secondaire. Après leur tournée estivale en 2019, Colin Nealis, multi-instrumentiste du groupe live de Shauf, a officiellement rejoint la formation. Porté par cette dynamique, le groupe s’est lancé en studio en octobre de la même année pour enregistrer quelques morceaux, mais ceux-ci manquaient d’énergie et d’originalité.

 

Foxwarren a alors opté pour une expérience radicale : éparpillés dans quatre provinces, les cinq membres ont commencé à partager des idées musicales dans un dossier commun. À Toronto, Shauf a assemblé ces fragments avec des techniques issues du hip-hop et de la musique concrète, les transformant en chansons à part entière. Chaque semaine, le groupe se retrouvait en ligne pour affiner cette création collective.

 

Ce processus, bien que lent et complexe, a mené à une véritable réinvention. Avec 2, Foxwarren s’est métamorphosé, laissant de côté son folk-rock originel pour explorer un cycle de chansons sur les caprices de l’amour. Des voix échantillonnées du passé se mêlent à des mélodies vibrantes d’imagination collective. Cet album défie les genres, brouillant les frontières entre les morceaux.

 

Le projet a commencé avec Avery Kissick, qui a partagé une multitude de prises de batterie. Bryson en a extrait un fragment pour composer ce qui deviendra ‘Say It’. Inspiré par la ligne vocale de Bryson, Shauf a ajouté des lignes de basse profondes et des touches de piano subtiles, chantant avec une douce mélancolie. Bryson a ensuite enrichi le morceau avec un solo de guitare hésitant, évoquant une quête de nouveaux langages musicaux.

 

L’album intègre également des extraits de conversations entre deux amants, servant de fils conducteurs à l’histoire. Ces interludes suscitent des questions intrigantes sur l’enchaînement des chansons et la manière dont une mélodie peut en absorber une autre. Ces audaces sortent du cadre habituel du folk-rock et donnent à 2 une aura envoûtante.

 

L’album dégage une étrange intensité : les enregistrements réalisés dans différents home studios créent une sensation immersive. Mais ce qui unit l’ensemble, c’est la manière dont Foxwarren joue avec les mélodies. L’ouverture, ‘Dance’, mêle bois, piano et batterie dans une douce fantaisie pop. ‘Yvonne’ explore l’étrange alchimie de l’amour sur un rythme chaloupé inspiré du Laurel Canyon, tandis que les harmonies vocales transpercent les cordes comme un lever de soleil dans le regard d’un autre.

 

Foxwarren affiche aussi une volonté de légèreté dans ‘Deadhead’, où un échantillon à la MF Doom cède la place à un riff de guitare country-rock et à des harmonies en trois minutes intenses. Flûtes vives, sons électroniques déformés et rythmiques fragmentées s’entrechoquent pour illustrer le tumulte émotionnel du morceau.

 

Avec ‘Listen2me’, un dialogue emprunté ouvre le morceau avant qu’un riff de guitare et un rythme bondissant ne se répètent en boucle. Shauf y dépeint les tensions d’un couple, oscillant entre intérêt et lassitude. Enfin, ‘Serious’ avance lentement, étendant la dispute amoureuse sur un tapis de samples fragmentés et de basses bourdonnantes, jusqu’à une conclusion déconcertante.

 

Andy Shauf a déjà une carrière exceptionnelle, marquée par son refus de la stagnation. Mais Foxwarren incarne une autre facette essentielle de son parcours. Avec 2, le groupe prouve qu’il est capable de se réinventer, repoussant ses propres frontières musicales. C’est le son d’amis de longue date qui osent abandonner leurs certitudes pour explorer ensemble, avec un sampler et une vision renouvelée de la musique.