Humanist

On the Edge of a Lost and Lonely World

Sortie le 26 juillet 2024

Bella Union

On the Edge of a Lost and Lonely World, deuxième album d’Humanist, projet de Rob Marshall, guitariste d’Exit Calm et coauteur des célèbres albums Gargoyle et Sombeody’s Knocking de Mark Lanegan, met en valeur les talents vocaux de Dave Gahan (Depeche Mode), Isobel Campbel (Belle & Sebastian), Carl Hancock Rux (David Holmes) et James Allan (Glasvegas), entre autres. Ce casting de choix ouvre la porte à une évolution magistrale de son univers sonore, par un élargissement et un approfondissement du territoire exploré en 2020 sur le très apprécié premier album. Le nouveau disque consolide encore l’émergence de Rob Marshall en tant qu’auteur, compositeur et producteur doté d’une la vision artistique tout à fait singulière.

 

L’album nous rappelle à quel point la musique qui s’appuie sur la guitare peut être émouvante, lorsqu’elle est à son meilleur : envolées, turbulences, quête de l’âme et, par-dessus tout, authenticité. On sent que Rob Marshall a tout traversé, avec les cicatrices qui en attestent, et qu’il en est revenu plus sage, plus expérimenté et plus résilient. Sa sincérité est évidente, – normal pour un romantique de la vieille école. Sur ce deuxième album, on perçoit que l’enjeu est de taille : il est question de l’âme d’un homme, minutieusement mise à nu, exposée devant nous.

 

Bien que On the Edge of a Lost and Lonely World soit toujours aussi gothique et industriel que le premier album d’Humanist, la palette s’est élargie, avec un lavis de guitare duveteux soudé à un motorik entraînant, contrastant avec la douceur et la lumière de l’exquis ‘Love You More’ d’Isobel Campbell, qui nous ramène au My Bloody Valentine chatoyant et éthéré de la grande époque. Les guitares glissent et scintillent au-dessus du grondement et de l’agitation, à l’image de la météo typique de sa ville d’adoption, Hastings, avec ces nuages sombres qui roulent sur la Manche, lourds et gris, dorés et pourpres, la petite Angleterre battue par les nuages au coucher du soleil, comme l’humanité… Sur ce nouvel album, Rob Marshall est passé maître en textures subtiles et délicates, en lignes de guitare en filigrane, traitées électroniquement jusqu’à ne plus distinguer s’il s’agit de guitares ou d’un battement d’ailes éthéré, d’autant plus doux qu’on sait qu’il a été gagné de haute lutte…

 

Le premier album d’Humanist, cascade tourbillonnante de mélodies et de bruits fuzzés, était viscéral, cinématographique, hypnotique. Cet album spectaculaire incluait par exemple les contributions vocales de Mark Lanegan (Queens Of The Stone Age), Mark Gardener (Ride), Dave Gahan (Depeche Mode) et Joel Cadbury (UNKLE). Ce disque ambitieux, premier projet solo après la séparation de son groupe Exit Calm, est aussi le premier entièrement produit. Il s’agissait en quelque sorte d’une vitrine, malheureusement stoppée par le Covid 19. La tournée promotionnelle a été annulée et le monde est entré dans un longue période de flou.

 

La pilule a été difficile à avaler: tout s’est arrêté au moment exact du commencement. Une pilule faucheuse d’âme. L’angoisse et la frustration sont aujourd’hui palpables sur le nouvel album, jusqu’à l’angoisse dans ‘Holding Pattern’ (avec James Coxon au chant) ; un homme se cogne la tête contre un mur de briques, dans l’attente d’un miracle qui ne vient jamais. Plus loin c’est la nostalgie du cocon de ‘The Immortal’ (avec Ed Hardcourt au chant), en un recroquevillement fœtal, dans la prison solitaire du confinement, des jours perdus « recroquevillé comme un enfant dans la graine », – “curled like a child in the seed.”

 

La mort prématurée de Mark Lanegan, son collaborateur clé, avec lequel il partageait une amitié musicale profonde et continue, lui a porté un coup tragique. Ils ont notamment collaboré sur Gargoyle (2017, Heavenly Records) et Somebody’s Kocking (Heavenly Records, octobre 2019), ainsi que sur sur le premier album d’Humanist.

 

Aussi douloureux soient-ils, de tels séjours dans la sauvagerie du monde peuvent exacerber et renforcer l’instinct artistique, et en émergeant du cocon si douloureusement tracé dans ‘The Immortal’, Rob Marshall est retourné à la source pour y puiser au plus profond du puit… Son nouvel album explore et développe les thèmes abordés dans le premier – les questions existentielles sur la vie, la mort, le but, l’espoir, la souffrance, la rédemption – en élargissant la palette de sons et d’émotions, avec plus de nuances, une maîtrise croissante de la forme, pour aboutir à un disque d’une subtilité émotionnelle, d’une profondeur et d’une portée immenses. Par exemple ‘Dark Side Of Your Window ‘, avec James Allan, morceau tendre, meurtri, un peu ébranlé par la vie, ou encore le discret ‘Lonely’, avec Rob au chant.

 

La voix de Rob Marshall trouve sa place dans l’abstraction croissante de la seconde moitié de l’album, où les structures de chansons conventionnelles se dissolvent en poèmes sonores, jusqu’à se retrouver suspendues à une note d’alto, avant de se transformer à nouveau en vastes étendues élégiaques avec guitares éthérées et fuzzées, dans des mélodies tout droit sorties d’un songe.

 

« J’ai la tête dans les nuages de mes pensées et de mon imagination, mais je suis poussé à être aussi vrai et authentique que possible musicalement, en essayant d’aller de l’avant et d’exploiter tout ce que j’ai. Ça n’a jamais vraiment été un choix, mais la seule chose que j’ai toujours senti que je pouvais faire, – nager avec la marée, accepter le destin, surfer sur les vagues. Je suis quelqu’un de timide, mais sur scène, ma guitare me conduit à un endroit où ma confiance est innée, alors je suppose que c’est là que je suis le plus à l’aise. »