Someone
Someone est le pseudonyme de la compositrice, productrice et artiste visuelle anglo-néerlandaise Tessa Rose Jackson. A travers sa musique, elle raconte des histoires de science-fiction qu’elle drape dans des paysages sonores de pop psychédélique tout en onirisme et riches en émotions.
Après son premier album Shapeshifter (2021), salué par la critique et composé de chansons acoustiques issues du confinement, Someone sort son deuxième album, Owls, le 24 février 2023. La direction musicale de cet album nous entraîne dans une aventure beaucoup plus vaste, kaléidoscopique et électronique, puisant très largement dans l’amour de Someone pour le duo pop français Air. On y trouve également une nette influence du trip-hop des années 90 et 2000 : Zero 7, Massive Attack et Portishead. Enfin Owls c’est aussi la fragilité superbe et l’art consommé du songwriting de contemporains tels que Feist et Sharon Van Etten.
L’idée qui sous-tend Owls est née lors d’un road trip que Someone a effectué en 2018 de la Nouvelle-Orléans à Memphis, puis à Nashville, avant de rentrer. Comme elle l’explique : « La route immense, l’Amérique profonde, celle des petites villes et de leurs histoires, et le mystère qui en émane… ça a déclenché quelque chose en moi. » Elle poursuit : « En fait, ça a commencé comme un scénario, que j’ai écrit pendant la pandémie avec l’idée dingue de créer ma propre comédie musicale indé, mais j’ai fini par saupoudrer le récit et les ambiances dans les chansons. »
Chaque chanson du nouvel album traite de l’amour ou de la perte dans une petite communauté, – autant d’histoires, comme l’explique Someone, « qui existent au grand jour, et de secrets qui serpentent sous la surface ». Si le clin d’œil aux univers ténébreux de David Lynch est ici une évidence, Someone dit du disque qu’il « oscille entre le doux, le sombre et l’inquiétant, avec une production qui passe du mélancolique et du brut à l’électronique et au menaçant. »
Les interludes d’Owls ont été enregistrés durant le road trip et ont été inclus pour tresser les chansons ensemble et donner une idée de ce que le film aurait pu donner. L’aspect cinématographique d’Owls est renforcé par une série de clips saisissants créés pour accompagner les singles de l’album par Someone et David Spearing, collaborateur de longue date et réalisateur montant à Hollywood. Le duo avait déjà remporté un Los Angeles Film Award pour le clip de « Strange World », un morceau du premier album de Someone.
Le titre d’ouverture, « Suddenly », révèle immédiatement ce que l’on peut attendre de ce nouvel album : imprégné de la nostalgie des années 90, il fait fusionner l’amplitude cosmique de Air et les couches plus froides du trip-hop. Oscillant constamment entre l’ombre et la lumière, « Suddenly » est « une chanson, explique Someone, sur cette fraction de seconde où la vie telle qu’on la connaît se retrouve sens dessus dessous. Une ombre gantée de velours qui se faufile au travers des fissures, donnant la sensation d’une réalité déformée et inquiétante. »
« In Your Arms » fait à son tour écho aux paysages sonores de Air. Avec sa patte électronique très typée années 80, le morceau provoque un pic d’émotion alimenté par les synthés, qui n’est pas sans rappeler « Kids » de MGMT et « Let It Happen » de Tame Impala. Décrit par Someone comme « un hymne pour tous les romantiques nihilistes », le morceau raconte l’histoire de l’amour et de la joie dans un monde en feu, avec son refrain poignant : « In your arms – I’ll be fine / In your arms – I’ll survive, I’ll survive », « Dans tes bras, j’irai bien / Dans tes bras, je survivrai, je survivrai ». Le clip, réalisé par Someone et Spearing, est une vignette SF douce-amère célébrant la joie et l’amour contre vents et marées ; il suit les aventures de deux jeunes filles dans un terrain vague rempli d’extraterrestres qui pourrait être à Tchernobyl.
« Audrey », un autre morceau fortement imprégné de trip-hop old school, offre de sauvages et rugissants solos de saxophone jazzy qui ouvrent sur un groove cosmique et un paysage sonore saturé de basses, tandis qu’une ligne de synthé aux allure de thérémine balaie l’ensemble comme une sirène. C’est l’une des deux chansons d’Owls qui rendent hommage à Audrey Home, le personnage de Twin Peaks cher à David Lynch.
Le clip de « Song for Slow Dancing » est un autre clin d’œil à Lynch. Magnifique, obsédante, la chanson est nimbée d’électronique onirique et sa langoureuse guitare acoustique forme un écrin pour la sublime et aérienne voix de Someone. « Song for Slow Dancing » évoque la perte d’un objet vital. Comme l’explique Someone, « une perte de ce genre peut mettre notre monde sens dessus dessous. Et puis les années passent, et un jour on se retrouve à voir ce tournant comme une bonne chose. Une chose qui est arrivée et qui nous a rendu plus fort. Qui nous a fait devenir la personne que l’on est. » Son clip lynchien – une autre collaboration avec Spearing – met en vedette l’actrice Bernice Stegers (Quatre mariages et un enterrement, Désobéissance, et La Cité des femmes de Fellini). Il prend place de nuit, dans un club où les souvenirs ambivalents de la jeunesse coulent comme du Champagne et se mêlent à la sagesse du temps qui est passé et fut bien employé.
« I Guess I’m Changing », autre ode au changement, rappelle Sharon Van Etten en plus euphorique. Ce morceau vient légèrement modifier le rythme de l’album, avec sa batterie entraînante et son refrain qui va crescendo, chanté d’une voix délicieusement nostalgique (“I’ve been oceans away / My heart’s been aching / Let it fall into place / I guess I’m changing”,
– « J’étais à des océans d’ici / Mon cœur me faisait souffrir / Laisse les choses se mettre en place / Je suppose que je change »). Someone y voit « une chanson pour ceux qui aiment conduire les vitres grand ouvertes et crier à tue-tête ». La route qui s’ouvre devant la narratrice de la chanson est une métaphore de la clairvoyance face aux erreurs du passé, l’avenir s’ouvrant quant à lui dans toute son immensité… Comme pour l’ensemble du nouvel album, dans cette histoire on regarde toujours vers l’avant, malgré ce que le passé et le présent ont pu offrir, avec un espoir et une joie magnifiquement enfantines.
Owls a été écrit par Tessa Rose Jackson (toutes les chansons) et Darius Timmer (pistes 1,3,9,10,11 et 12), et arrangé, produit et enregistré par le duo aux Tiny Tiger Studios, au Studio de Plaatjesmakers et au Studio Solages. Puis mixé par Darius Timmer aux Konk Studios, à Londres, et masterisé par Matt Colton au Metropolis, à Londres également.
Toutes les illustrations de l’album ont été conçues par Tessa Rose Jackson.