Comme une chanson à travers une fenêtre ouverte, comme un vendredi soir au cœur de l’été, on a l’impression d’avoir attendu longtemps Le soleil et la mer. Le premier album de Bibi Club, duo formé par le couple Adèle Trottier-Rivard et Nicolas Basque, est un album au goût de soleil et d’embruns, chatoyant, élégant, – une fête bilingue après ce qui aura ressemblé pour nous tous à un hiver de deux ans.

« Il est tôt, il est tard / Le vent est doux », chante Adèle sur un rythme de nacre (“It is early, it is late / The wind is soft”) : son d’un cœur qui revient à la vie, deux pieds qui bondissent dans leurs chaussures et passent la porte, direction l’avenir. Adèle chante avec d’autres depuis des années, notamment dans le groupe de Nico, Plants & Animals, mais la voici enfin en pleine lumière, – libre, radieuse. Le soleil et la mer la révèle. C’est son aurore, un compagnonnage de la maison à la scène, où elle peut être pleinement elle-même, où son partenaire peut le faire avec elle, où les deux amants sont en écho.

Ils ont choisi le nom « Bibi Club » en référence à la discothèque dans leur salon, où leurs petits bouts, leurs bibis, viennent danser. Avec les enfants à la maison, Nico et Adèle devaient s’éclipser pour travailler à leur musique : cinq minutes par-ci, deux heures par-là, au studio, dans la chambre ou sur un coin de la table de la cuisine, à griffonner des textes. La vie d’adulte est pleine de mouvement, de désirs, de magie familière. Le soleil et la mer agrège l’enchantement ordinaire à une trame sonore éblouissante, comme si les événements de la vie familiale pouvaient être déplacés sur la piste de danse, dans la nuit, dans un endroit qui vibre encore au lever du jour.

L’album a été écrit et enregistré à Montréal, à mille cinq cents kilomètres de l’océan, avec une poignée de collaborateurs seulement – la mère et la sœur d’Adèle, Warren Spicer, membre Plants & Animals, leurs amies Mégane Voghell et Mishka Stein. Ils ont puisé leur inspiration chez Stereolab, Suicide, Alice Coltrane et dans la scène londonienne de Tirzah, pour aboutir à un minimalisme généreux où les chansons sont riches et sinueuses mais où chaque son est voulu, choisi, comme un bracelet au poignet. Des chansons comme « Parasite » et « Le matin » donnent envie de bouger avec ses amis, tandis que « Femme – Lady » et « Bellini » font rayonner l’intimité vers l’extérieur, jusqu’à l’instant électrique où le regard peut croiser celui d’un inconnu.

Le soleil et la mer sont les leitmotivs de ce disque, mais aussi la ville et la forêt, le rêve et la danse, ces moments de joie où l’on se sent complètement amoureux. Les huit titres sont vifs, fluides, d’une transparence volontaire : Adèle et Nico ont façonné une musique aussi intimeet honnête que sa fabrication même, et imprégnée de l’attention qu’ils portent aux personnes qui les entourent.

Mais surtout, Le soleil et la mer pétille d’une énergie qui anime même ses moments calmes. Ensemble, Adèle Trottier-Rivard et Nicolas Basque ont trouvé un son qui se prête aussi bien aux moments de fête qu’aux jours de pluie : si chez nous le temps est au gris, il fait toujours beau quelque part.