Bon Enfant
Bon Enfant, c’est un quintette aussi pluriel que ses membres et ses horizons musicaux, pour qui le rock est une passion autant qu’un mode de vie – un moteur ardent le propulse. Formé à la fin de la précédente décennie par Daphné Brissette et Guillaume Chiasson afin de s’octroyer des terrains nouveaux en marge de leurs pratiques antérieures, le groupe est rapidement complété par Etienne Côté (Lumière), Melissa Fortin et Alex Burger – et ne tarde pas à livrer un premier album homonyme qui sera célébré comme meilleur franco de l’année 2019 par Le Devoir et récompensé du Lucien de l’Album rock de l’année suivante au GAMIQ.
Affirmant d’emblée une pop aux grooves bien-allants empruntant notamment au folk-rock et au psych, la formation rapplique deux ans plus tard avec un Diorama à la palette encore plus vaste, y intégrant des aspects de musique à l’image, de disco, de hard et de glam rock – un probant assemblage qui lui vaudra le Félix de l’Album rock de l’année au gala de l’ADISQ 2022.
C’est pas long que les tournées s’enchaînent au Québec, en Europe et au Royaume-Uni – un début d’engouement global discréditant l’enjeu territorial de la langue au profit d’avoir des bonnes tounes. Façonnant un rock perméable et ouvert en évitant le pastiche toujours, le groupe persiste dans son adaptation des résonances populaires tout en faisant siennes de nouvelles niches musicales.
Aux thèmes chers et saillants d’affirmation de soi, d’amour de la musique et d’amour tout court et griffé des sonorités bariolées bien caractéristiques de Bon Enfant, Demande spéciale arrive comme un album intégral, qui fait du bien, qu’on écoute pour se faire plaisir – et qui paraîtra cet automne sous Duprince, en amont de tournées partout, tout le temps.
Poursuivant son aventure rock perméable, Bon Enfant revient d’un enviable bon petit lot de tournées locales et internationales pour le présenter. Un titre charmant – on en convient – autant qu’il est évocateur et ad hoc : une demande spéciale, c’est un plaisir qui fait oublier les soucis pour nous plonger dans le moment ; ça vient de soi, une démonstration extraordinaire de ses goûts, désirs et personnalité. Ça réfère itou à la diversité musicale de cet album – où un lot de références nostalgiques et nouvelles est absorbé par la personnalité plurielle du groupe pour générer quelque chose qui soit à la fois singulier, contemporain, cohérent et invitant. Il y est question du travail de l’artiste, de la capacité à permuter le négatif en positif par le biais de la création, de la vie citadine, de l’amour de la musique et de l’amour tout court. Enregistré par Samuel Gemme, Warren C. Spicer et Guillaume Chiasson, mixé par ce dernier et réalisé par Emmanuel Éthier, Demande spéciale profite aussi d’apports de Jean-Étienne Collin-Marcoux, Jérôme Dupuis-Cloutier et Naomie Delorimier. C’est un album qui fait du bien, qui sonne résolument comme du Bon Enfant (idem) – et l’écouter, c’est comme s’allouer une demande spéciale.
Le propre d’un show rock, c’est de ne pas être propre per se : c’est cet aspect brut qui fait ressentir des émotions qui le sont tout autant – et ça, Bon Enfant le sait et l’applique grandement. Pas de costumes, pas de mise en scène – juste du vrai monde qui te raconte ses vraies affaires. C’est aussi l’imprévu, le danger, la nouveauté : avec eux, on n’aura jamais la même setlist deux fois, comme il sera puisé différemment à chaque soir dans un catalogue de trois albums célébrés pour construire quelque chose d’unique – quelque chose dont le public fait partie. Des personnalités fortes qui s’enchevêtrent plutôt que s’entrechoquent, des lignes de basse, des riffs de guitare, des coups de cymbales et des plateaux à claviers jusqu’au ciel, le tout mené par la chaude voix de Daphné Brissette. Des moments ardents à partager, desquels on ressort en se sentant mieux, et en en redemandant.