Chaton Laveur
“J’ai toujours eu envie de faire de la musique mais maintenant il est trop tard” dit Julie à Pierre du haut de ses 26 ans et des poussières, assise à la table de la salle à manger de leur coloc. “Comment ça trop tard?” lui répond Pierre tout en tapotant sur la table en bois en rythme saccadé.
C’est comme ça que Pierre se retrouve enfermé derrière sa batterie, fidèle complice de tant d’heures d’amusement, dans un local humide de 10m2 avec Julie qui n’en touche pas une, mais persévère. Et c’est avec énormément de patience que les premiers morceaux commencent à se construire. On jette tout et on recommence, des dizaines de fois.
Julie puise dans les souvenirs des concerts auxquels elle a assisté en tant qu’ingé son. C’est tout un savoir accumulé à son insu qui se réveille. Les premières étapes d’écriture seront à la fois des moments merveilleux à la découverte de nouvelles passions mais aussi des moments laborieux.
Pierre, né dans une famille de mélomanes avec une mère dentiste qui force ses patients à écouter de la musique classique pour adoucir la douleur, est batteur depuis des années mais quelque part en lui existe cette envie de plus. Il se découvre un sens aiguisé de la mélodie efficace. Il débloque souvent les compositions qui stagnent en chantonnant des trucs complètement absurdes qui aboutissent souvent à la mélodie entêtante qui solutionne tout.
Leurs méthodes de travail sont diamétralement opposées. Pierre part d’idées denses et intenses, ne se fixe aucune limite et défriche pas à pas. Alors que Julie part du vide, du néant, ajoute progressivement l’une ou l’autre note mais toujours avec précaution. Et quand Pierre a assez élagué et que Julie a assez semé, ils se retrouvent alors sur un terrain fertile synonyme de champs des possibles.
Duo au quotidien, le projet le sera aussi. Comment rendre le duo consistant en live sans l’usage d’ordinateur ni de backing tracks? Pierre propose de jouer de la batterie d’une main et du Moog de l’autre. Julie réfléchit de son côté au problème du son. Comment couvrir le spectre sonore à deux? Sa basse deviendra une basse guitare, deux cordes de basse, deux de guitare sur deux amplis séparés. Ces solutions donnent une identité au groupe, définitivement minimaliste, qu’ils agrémentent de loopers, freezers et effets en tous genres.
Les influences diverses amènent le projet a un subtil mélange de Kraut et de Pop, de Beak à Stereolab en passant par Low et Blonde Redhead. Le tout chanté en Français. “On est pas de l’école de la chanson française où il faut absolument qu’on comprenne toutes les paroles en concert. Les voix représentent un instrument de plus qui se met, comme tout le reste dans ce projet, au service de la musique.”
Le processus de création achevé, il est maintenant temps de faire ses premières scènes. Une fois le stress des premiers concerts digéré, le duo se sent sur scène comme à la maison. La parfaite osmose entre deux êtres qui se connaissent si bien invite le public à prendre part à l’expérience. Expérience live authentique, sons analogiques et rythmes bruts répétitifs rendent le moment enivrant, sincère et spontané. Après une série de premières dates belges (première partie de Girls in Hawaii, Peter Kernel, Robbing Millions,… finalistes Du F dans le texte,…), le duo se prépare pour la suite, armé de son premier album.
“Etat Sauvage” premier album de Chaton Laveur à paraitre le 12 avril 2024 chez Jaune Orange, est le condensé d’une riche aventure entre deux êtres qui apprennent à se dompter, qui partent de rien pour arriver peut-être quelque part, qui mettent la naïveté des premiers jets au service du minimalisme et qui, tels des animaux sauvages, fonctionnent à l’instinct.