Gus Englehorn
Avant de signer chez Secret City Records, l’auteur-compositeur-interprète montréalais Gus Englehorn vivait dans un chalet dans les bois, où il a écrit Dungeon Master, le disque de rock’n’roll le plus mignon, heavy et étrange que vous entendrez cette année. Avant de se retrouver dans ce chalet, il a vécu à Salt Lake City, Utah, où il est tombé amoureux d’une Québécoise, avec laquelle il s’est marié un vendredi 13. Elle est ensuite devenue sa batteuse.
Avant de rencontrer cette fille — elle s’appelle Esté Preda, en passant, et elle joue de la batterie comme Moe Tucker sur un high — Gus voyageait à travers le monde en tant que snowboardeur de niveau international. Il apparaissait dans des vidéos étranges capturant ses prouesses et se retrouvait à la une de magazines.
Avant cela, il a vécu avec sa famille à Hawaï, sur un champ de lave isolé. Et il y a plus longtemps encore, il était en Alaska, dans un village du nom de Ninilchik, où ses parents pêchaient le saumon, alors que ses frères et lui mangeaient de l’orignal et de la pizza, jouaient à la Nintendo, et faisaient semblant d’être des sorciers. Rien de plus normal. Ordinaire, même. « Dog dreaming of being a man / and a man dreaming of being a dog » [Un chien qui rêve d’être un homme / et un homme qui rêve d’être un chien], chante Gus Englehorn. « Run rabbit run! » [Cours, lapin, cours!]
Ce qu’il faut retenir, c’est que pendant presque toute sa vie — lorsqu’il se faisait intimider à Big Island, lorsqu’il exécutait des figures improbables sur sa planche, lorsqu’il était terré dans un sous-sol à apprendre des accords — Gus rêvait d’écrire des chansons. S’il ne pouvait pas être Dylan, peut-être serait-il Daniel Johnston, ou bien Frank Black des Pixies, ou peut-être Darby Crash des Germs. Lorsqu’il a commencé à se consacrer entièrement à la musique — lançant d’abord Death & Transfiguration en 2020, puis maintenant son premier album à 34 ans — il a déniché un son à la fois sombre et réjouissant, démentiel et nuancé, le tout propulsé par une guitare frénétique.
« Me voilà! » déclare Gus au milieu de « The Gate », annonçant l’arrivée d’un chanteur qui peut autant roucouler que grogner ou hurler. Dungeon Master est une œuvre marginale illuminée par un esprit dada — un mariage ludique entre l’isolation, l’aliénation et un léger TOC. « J’ai laissé mon subconscient prendre le volant », admet Gus, et en écoutant ces 10 chansons, il est facile de faire la même chose, s’imaginant être un chien qui rêve de marcher debout; une pêcheuse avec ses filets; un snowboardeur dont la bouche est pleine de poudreuse.
Les visions électrisantes d’Englehorn sont parsemées de synthés, de cordes et de chœurs, mais l’essence de sa musique est formée par la guitare et la batterie jouées par lui et Estée, qui transforment le matériel le plus torturé du chanteur — comme la paranoïaque « Tarantula » ou la plaintive « Exercise Your Demons » — en explosions cathartiques. Dungeon Master est une introduction profonde et percutante dans l’univers d’un artiste qui émerge finalement.