Une ville peut représenter bien des choses différentes pour bien des gens tous différents. Lorsque Nicole Faux Naiv arrive à Berlin, elle ne s’inspire pas de la scène artistique enivrante et hédoniste qui bouillonne dans les coulisses de ville, mais plutôt de la musique qu’elle commence à écrire dans son appartement. Elle trouve sa voix à elle dans cette solitude, qui la conduit des souvenirs épars de l’enfance à la magie d’un imaginaire bien vivant.

Née de parents d’origine soviétique dans la petite ville d’Olpe en Allemagne, Nicole a grandi en parlant à la fois l’allemand et le russe et cette dualité influence largement son premier album, le pétillant et hypnotique Moon Rally. Sur les 10 titres de l’album, elle chante à la fois en anglais et en russe, et s’inspire à la fois de ses origines allemandes et de ses racines soviétiques, par exemple de vieux films d’animation russes dont elle intègre l’influence dans ses chansons. « J’ai très largement grandi dans cette culture, elle était présente tout le temps, raconte Nicole au sujet du processus de travail. J’ai donc eu très envie de regarder de vieux films et d’écouter plus de musique russes. Je me suis plus intéressée à cette culture en général. »

Bien que l’album ait été principalement écrit par Nicole dans cet appartement berlinois, il s’est transformé en quelque chose de bien plus vaste encore en studio. Après avoir d’abord produit quelques chansons avec un ami en 2019, Nicole se rend compte que ses chansons réclament plus, alors elle finit par envoyer son travail à Robbie Moore, le producteur berlinois qui a travaillé avec des artistes comme Florence + The Machine et Little Simz. Il aime ce qu’il entend et, suite à une invitation dans son studio, Nicole termine les 10 démos en l’espace de deux semaines d’enregistrement intense, avant de les apporter à Moore.

Dans un nouvel élan d’inspiration de dix jours, Nicole et Robbie travaillent sur les chansons, leur ajoutant de nouvelles lignes de guitare ainsi qu’une véritable batterie, du violon, du piano et du violoncelle. Cela apporte une dimension supplémentaire à la musique, qui n’était pas possible auparavant. « C’était vraiment cool d’intégrer plein d’instruments au processus d’enregistrement, raconte Nicole à propos de cette dynamique. J’ai soudain eu l’impression que c’était quelque chose de sérieux et pas juste un passe-temps. Tous les matins, j’avais hâte d’aller au studio et de travailler à la musique, de m’apercevoir à quel point les chansons commençaient à grandir et à s’illuminer. »

Moon Rally étincelle des possibles et des multiples influences qu’il entrelace. Nourrie par son amour pour le post-punk russe des années 90, la synthpop française et la musique des vieux films soviétiques, Nicole parvient à mêler toutes ces influences diverses en un objet d’une cohérence magnifique. Elle considère cet album comme un journal intime, un collage musical d’humeurs, fugaces pour certaines, beaucoup plus sérieuses pour d’autres.

« Moon Rally », la chanson éponyme qui ouvre l’album, est un fascinant titre de cinq minutes qui se construit lentement à partir de sa mystérieuse première minute jusqu’à quelque chose de beaucoup plus marqué, autour de la voix de Nicole dansant sur un fond de synthétiseurs tourbillonnants et de batteries percutantes. De son côté, « Imaginary Boy » fait ressortir un aspect plus lumineux de l’album, – trois minutes d’énergie durant lesquelles se mêlent un extérieur glacé et un cœur plus triste.

Ailleurs, « Теплое море », entièrement en russe, parle d’échapper aux froides réalités de la vie et de se rendre sur la côte pour apprécier l’atmosphère onirique que dégage un tel lieu, venant ainsi nous rappeler qu’il ne faut pas prendre la vie trop au sérieux. « Вчерашний день », la seconde chanson en langue russe, sur laquelle se clôt l’album, met en évidence une autre facette de l’écriture de Nicole : elle y décrit la monotonie de la vie quotidienne sur un ton mélancolique.

A la fois reflet de ses liens familiaux et des nombreux mondes que Nicole a habités, Moon Rally est une démonstration éclatante de son style d’écriture unique, mais aussi du processus de collaboration qui a permis de réunir ses myriades d’idées. « Quand j’ai fait cette musique, j’avais plein d’influences en tête, beaucoup de fragments de différents styles de musique, explique-t-elle à propos de l’album. Beaucoup de chansons parlent de rêves et de rêveries, mais aussi des souvenirs de mon enfance. Il y a dans l’album ces différents fragments de mémoire, certains sont très colorés et d’autres très étranges. »