Spencer Cullum

Spencer Cullum's Coin Collection 2

Sortie le 14 avril 2023

Full Time Hobby

Avec Spencer Cullum’s Coin Collection 2, le musicien de Nashville s’éloigne de la pedal steel et se rapproche du centre de la scène. Publié chez Full Time Hobby, ce kaléidoscope folk, jazz et pop est un bijou d’écriture.

 

La voie de Romford à Nashville n’est pas la plus fréquentée, mais elle a été pour Spencer Cullum le moyen d’atteindre le cœur de la pedal steel, sa raison d’être comme musicien. Ses jeunes années dans une grande ville de l’Est londonien l’ont exposé très tôt au rock classique des pubs avec son père, comme Dr. Feelgood et Thin Lizzy, et à une musique plus lointaine grâce à sa mère, comme Talking Heads et Lou Reed. Mais c’est l’apprentissage de la pedal steel auprès du joueur anglais de légende B. J. Cole qui lui a ouvert le chemin qu’il parcourt encore aujourd’hui. Après avoir tourné avec des groupes basés à Nashville et entendu des récits de « joueurs de steel chevronnés » venus de là-bas, le jeune musicien a fait ses valises et trouvé dans sa ville de cœur une « jolie petite troupe de doux dingues ».

 

Cullum a toujours fait preuve de discrétion, y compris aujourd’hui : « Par crainte, je cherche encore à me réfugier derrière ma pedal steel ». Mais en 2020, il sort son premier album solo, Spencer Cullum’s Coin Collection. Bien que son projet avec Jeremy Fetzer, Steelism, mette en valeur ses talents, jamais il ne s’était senti autant exposé.

 

Alors que Coin Collection avait été conçu comme « un album de folk anglais typique mais avec de très bons musiciens de Nashville », avec Coin Collection 2 « je voulais être différent. Je voulais essayer de ne pas autant dévoiler mes influences… J’essayais de trouver des idées nouvelles pour moi. Il n’est pas possible d’échapper à ses influences musicales, mais je voulais qu’elles restent dans un arrière-plan plus inconscient, qu’elles soient moins affichées. »  Même si on décèle ici et là des ressemblances avec d’autres œuvres, peut-être l’album Friends des Beach Boys, ou The Incredible String Band, ou encore Joni Mitchell, le disque est résolument celui de Cullum. Ce qui est également rassurant, c’est qu’il n’y a pas eu de virage sonore à 180 degrés depuis Coin Collection : l’atmosphère de jardin baigné de soleil dans la campagne anglaise, des petites abeilles tournicotant autour d’une bière, est toujours de mise, mais complexifiée, encore plus étonnante, approfondie.

 

De même que l’album n’exhibe pas à la légère ses influences (Amon Duul II, Skip Spence, Ennio Morricone, Chu Kosaka, Michael Chapman) mais en est imprégné et joue avec elles, Cullum a fait appel à une quantité d’invités pour que Coin Collection 2 ne soit pas purement solo. Yuma Abe apporte un chœur grave qui accentue la tonalité quelque peu mélancolique de « Kingdom Weather », tandis que Dana Gavanski offre de magnifiques lignes d’harmonie sur « What A Waste Of An Echo ». Malgré le nombre de collaborateurs et de musiciens (dont Rich Ruth, Erin Rae et Caitlin Rose), rien ne semble encombré ou saturé d’idées. Au contraire, Cullum dirige chaque partie avec une grande habileté.

 

L’autre raison pour laquelle Coin Collection 2 semble si fluide est liée à la rapidité de son enregistrement, qui a pris deux jours (à Nashville, naturellement) ; les voix et les cordes ont été ajoutées ensuite. « J’aime aller vite, explique Cullum. Si on tergiverse, alors on perd la candeur. » Ces chansons, bien que calmes et réfléchies, sont d’une précision remarquable. « Cold Damp Valley », toute en légèreté, passe habilement de l’introduction au couplet, et du refrain au post-refrain, avec la même géniale décontraction que les Kinks, époque Arthur. De même, « What A Waste Of An Echo » est traversée par un courant sous-jacent en constant bouillonnement, à travers les martellements de la batterie et un solo de guitare brûlant. Cette sensation de courant est la clé des délices de l’album. De même que Cullum apporte le flot de la pedal steel à la musique de nombreux grands artistes (comme Kesha, Lambchop et plus récemment Angel Olsen), le génie de Coin Collection 2 réside dans sa subtilité, dans ce qu’il murmure plutôt qu’il ne le crie.

 

En raison du langoureux accent de Romford propre à Cullum (dont le timbre se situe quelque part entre Robert Wyatt et Ray Davies), c’est par une écoute attentive que l’on comprend des paroles aux thèmes aussi chargés que la démence et la violence. « J’ai passé beaucoup de temps avec les chansons, je voulais trouver ma propre identité », explique Cullum, et Coin Collection 2 nous invite à faire de même.