the innocence mission
Premier album studio de the innocence mission en quatre ans, Midwinter Swimmers a tout du vieil ami qu’on retrouve. Mais par son ampleur cinématographique et son étrange beauté lo-fi faisant penser à un disque folk vintage tout juste découvert, Midwinter Swimmers constitue également une aventure d’un genre nouveau pour le groupe de Pennsylvanie formé par Karen Peris, Don Peris et Mike Bitts.
« On a l’impression que l’album a été enregistré à la Western Electric dans les années 60, il me fait penser à Vashti Bunyan ou Sibylle Baier, mais il a aussi ces éclats émouvants d’orchestration, de batterie et d’harmonie qui pointent. Le son de the innocence mission n’arrête pas de s’enrichir », écrit un ami et auditeur de longue date.
Le premier single, sur lequel s’ouvre également l’album, s’intitule ‘This Thread Is a Green Street’. Ce morceau est la voie d’accès parfaite à l’univers sonore et à la sensibilité de the innocence mission. Karen Peris considère ce morceau « en quelque sorte comme une perception du paysage sous la forme d’un monde de portes, qui pourrait nous permettre de localiser des souvenirs ou de nous rapprocher d’une manière ou d’une autre des personnes qui nous manquent. Il y a cette possibilité de mouvement que portent en eux les événements du monde physique, ou même les objets du quotidien. Ainsi, l’une des images est celle d’un fil à coudre en forme de plan de ville, peut-être accompagnée d’un petit film dans la tête de retrouvailles avec un être cher absent. L’un des aspects de l’enregistrement a consisté à trouver cette émotion dans le son, et la beauté à moitié oubliée des chansons de notre enfance dans les années 1970. Dans l’enregistrement, il y a une recherche qui reste insaisissable, dans le bon sens du terme. »
‘This Thread Is a Green Street’ est la première d’une série de trois chansons (la deuxième étant la chanson-titre) qui ont pour thèmes la nostalgie d’un être cher qui est parti et la façon dont l’amour peut transcender la distance. Des mélodies au piano et des guitares électriques aigües à cordes de nylon frottées forment une lumineuse bande-son pour ‘Midwinter Swimmers’, une chanson à la fois joyeuse et triste, pleine d’espoir dans le fait de revoir bientôt un absent qui compte. Elle se déroule à un moment où des nageurs, vus de loin à travers les larmes, sont réfractés et apparaissent comme quelque chose de beau et d’émouvant. Quelque chose de cette sensation se retrouve dans l’enregistrement, réalisé avec spontanéité en essayant de saisir un instant et de le dévoiler à la lumière.
Cette attention portée aux petits détails est typique de la manière dont les chansons de the innocence mission observent de près les instants quotidiens comme s’il s’agissait de mondes miraculeux à part entière. Les mots de Karen ont cette poésie qui se suffit à elle-même et fait preuve d’un goût particulier pour les lieux et les couleurs, pour ce qui est visuel, et propose des expériences universelles liées au changement et à la perte, à l’amour, à l’espoir et à la gratitude.
« Dans ‘Your Saturday Picture’, explique Karen, un proche qui a déménagé « a envoyé une peinture qu’il a faite de son nouvel environnement, et qui est maintenant accrochée au mur et sert de pont visuel. C’est le désir de voir les mêmes choses, les mêmes couleurs et les mêmes sons que l’autre perçoit et expérimente, de façon à ce que la distance soit réduite et ne soit pas aussi énorme ». Construite autour de la guitare bossa nova et de la ligne de basse de Karen Peris tout autant que de sa voix raffinée et expressive, dressant l’image centrale d’une marche dans une longue rue de la ville sous les arbres, c’est en fin de compte une chanson sur la pérennité de l’amour. L’atmosphère créée par les cymbales et la guitare électrique de Don, ainsi que la qualité de la réverbération autour de la voix, ressemblent aux images qu’elle a vues en écrivant la chanson, explique-elle.
La marche est un élément récurrent dans les chansons de Karen Peris, car elle se promène presque tous les jours et contemple les arbres, qui sont également une constante dans ses textes. Dans la chanson de fin, ‘A Different Day’, elle associe à un moment son sycomore préféré à un cheval Appaloosa imaginaire qu’elle pourrait monter pour rendre visite à un ami, soulignant ainsi son espoir de devenir une personne plus forte, plus courageuse et sans angoisse.
Ce même espoir de transformation personnelle est présent dans ‘Orange of the Westering Sun’, qui évoque leur séjour en Californie pour l’enregistrement des deux premiers albums de the innocence mission. « C’était dans la maison de Joni Mitchell, et il y avait toujours un parfum de lys dans l’air, il y avait quelque chose de printanier, c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles on avait l’impression d’être au début de quelque chose », se souvient-elle. (Sa chanson préférée quand elle était petite était ‘Both Sides Now’, et, comme pour boucler la boucle, elle a été invitée par Joni à chanter sur son album Night Ride Home, un honneur qu’elle chérit). « In plain sight the beauty of someone may emerge », (La beauté de quelqu’un peut émerger à la vue de tous) : le refrain de la chanson suggère une possibilité miraculeuse, liée à son propre désir d’être la personne qu’elle est censée être.
Sur la côte est des Etats-Unis, un spectaculaire site rocheux du littoral appelé Two Lights, à Cape Elizabeth, est le cadre de la troisième chanson dynamique et ambient de l’album, ‘The Camera Divides the Coast of Maine’. Elle explique que la chanson est « une réflexion sur la nature du lieu par rapport au temps, – quand on pense à revenir en arrière, est-ce que c’est comme pour visiter une période antérieure de notre vie ? Je pense souvent au poète serbe Ivan Lalic et à ces vers dans Temps, feu, jardins : “Les lieux aimés nous ne pouvons les abandonner”, qui posent une question : s’agit-il d’une rue ou d’années ? »
Ici, comme tout au long de l’album, se dégage une émotion palpable. Celle-ci est inhérente à la voix de Karen Peris, ainsi qu’à la combinaison singulière des lignes lumineuses et aiguës de la guitare électrique de Don Peris avec son jeu rythmique de la guitare basse (baryton et cordes de nylon). Sans oublier leur vieil ami Mike Bitts, – Don et Mike se sont rencontrés lors de leur bref passage aux scouts quand ils avaient 8 ans, et ont commencé à jouer de la musique ensemble vers l’âge de 16 ans. Mike joute une dimension supplémentaire à de nombreuses chansons en jouant de la contrebasse et de la basse électrique. Le piano faisant également partie intégrante du cœur mélodique et sensible de l’album.
A propos des émouvantes et rythmiques ‘Sisters and Brothers’, ‘John Williams’ et ‘A Hundred Flowers’, Don Peris confie: « Il est facile pour moi de remonter le fil de ces chansons jusqu’à Befriended [leur album phare de 2003], tout particulièrement les chansons ‘When Mac Was Swimming’ et ‘Martha Avenue Love Song’, et d’en tirer de la force et une forme de consolation. Les paroles expriment une joie et une gratitude réalistes au milieu des difficultés de la vie, en compagnie de la voix familière de Karen. »